
CARTA DE PAUL VALÉRY A STÉPHANE MALLARMÉ, 18 DE ABRIL DE 1891 (EXTRACTOS)
Entiendo a la poesía como una explicación delicada y bella del Mundo, contenida en una música singular y continua. Mientras que el arte metafísico ve al Universo construido de ideas puros y absolutas, la pintura, de colores, el arte poético será considerarlo vestido de sílabas, organizado en frases.
Considerado en su esplendor desnudo y mágico, el mundo se eleva a la potencia elemental de un nota, un color, una dovela de una bóveda. El verso se manifiesta como un acorde que permite la introducción de los dos modos, donde el epíteto misterioso y sagrado, espejo de las sugestiones subterráneas, es como un acompañamiento pronunciado en sordina.
Una devoción especialmente particular por Edgar Poe me condujo entonces por dar por reino al Poeta la analogía. Él precisa el eco misterioso de las cosas y su secreta armonía, tan real, tan incierta como una relación matemática en todos los espíritus artísticos, es decir, y como conviene, idealistas violentos…
Entonces se impone la concepción suprema de una alta sinfonía, uniendo al mundo que nos rodea con el mundo que nos subyuga, construida según una rigurosa arquitectónica, que capture a los tipos simplificados sobre fondo oro y azul, y libere al poeta del pesado auxilio de las banales filosofías y las falsas caricias y descripciones inanimadas…
La siesta de un fauno es la única obra en Francia que cumple este ideal estético, y la increíble perfección que exige demuestra la futura desaparición de los falsos poetas exasperados, y que su mediocridad aniquila de algún modo mecánicamente.
Y hete aquí cerrada esta confesión que usted debe encontrar ingenua y pueril…
Pienso esto, escribo aquello; ¿adónde está la verdad? Hoy en día, la antigua fe se ha dispersado entre los sabios y los artistas.
Uno cree en su arte como en un eterno crucificado, uno lo exalta, lo niega, y en las horas pálidas y cruentas uno busca una palabra adecuada, un gesto luminoso hacia el futuro, y es eso lo que he osado venir a pedirle, querido Maestro.
Allí arriba, está la paz mística de las llanuras, la inmensa calma. Las nubes se alargan sobre el cielo triangular entre las montañas, y su fuga se desliza sobre olvidados lagos.
Algunas figuras blancas y melancólicas pastan sus amplios y puros recuerdos, e inclinan atrayéndolas hacia sus rostros a las altas flores de suaves tonos cuyos simples cálices palpitan…
18 de abril de 1891
LETTRE DE PAUL VALÉRY À STÉPHANE MALLARMÉ, 18 AVRIL 1891 (EXTRAITS)
La poésie m’apparaît comme une explication du Monde délicate et belle, contenue dans une musique singulière et continuelle. Tandis que l’art métaphysique voit l’Univers construit d’idées pures et absolues, la peinture, de couleurs, l’art poétique sera de le considérer vêtu de syllabes, organisé en phrases.
Considéré en sa splendeur nue et magique, le mot s’élève à la puissance élémentale d’une note, d’une couleur, d’un claveau de voûte. Le vers se manifeste comme un accord permettant l’introduction des deux modes, où l’épithète mystérieuse et sacrée, miroir des souterraines suggestions, est comme un accompagnement prononcé en sourdine.
Une dévotion toute particulière à Edgar Poe me conduit alors à donner pour royaume au Poète l’analogie. Il précise l’écho mystérieux des choses et leur secrète harmonie, aussi réelle, aussi certaine qu’un rapport mathématique à tous esprits artistiques, c’est-à-dire, et comme il sied, idéalistes violents…
Alors s’impose la conception suprême d’une haute symphonie, unissant le monde qui nous entoure au monde qui nous hante, construite selon une rigoureuse architectonique, arrêtant des types simplifiés sur fond d’or et d’azur, et libérant le poète du pesant secours des banales philosophies et des fausses tendresses et des descriptions inanimées…
L’Après-Midi d’un Faune est seule en France à réaliser cet idéal esthétique, et la perfection inouïe qu’elle exige démontre la disparition future des faux poètes exaspérés, et que leur médiocrité anéantit en quelque sorte mécaniquement.
Et voilà close cette confession que vous devez trouver ingénue et puérile…
Je pense ceci, j’ai écrit cela, où est la vérité ?… De nos jours, l’antique foi s’est dispersée entre des savants et des artistes.
L’on croit à son art comme à un éternel crucifié, on l’exalte, on le renie et dans les heures pâles et sanglantes, l’on cherche une bonne parole, un geste lumineux vers le futur et c’est ce que j’ai osé venir vous demander, cher Maître.
Là-haut, c’est la paix mystique des plaines, le calme immense ; des nuages s’élargissent sur le ciel triangulaire entre les montagnes, et leur fuite glisse sur des lacs oubliés.
Quelques figures blanches et mélancoliques paissent leurs souvenirs larges et purs, et courbent en les attirant vers leurs visages les hautes fleurs de nuances tendres dont les simples calices palpitent…
18 de abril de 1891
Extraído de Guy MICHAUD, La doctrine symboliste, Librairie Nizet, París, 1947.
Traducción Mariano Rolando Andrade.
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