
il y a toujours une bonne raison de ne pas pouvoir dormir Goya, la guerre les atrocités quotidiennes la bêtise qui cerne la folie qui rôde les cauchemars à l’affût Goya, la soif de comprendre Goya, comprendre l’obscur de l’homme ce vieux goût du sang qui lui remonte dans la bouche la soif du mal cette gorge toujours sèche cet acharnement énigmatique à détruire Goya, l’obscur il faut bien que quelqu’un aille y voir Goya, là où bute la pensée là où le langage bute Goya, voir le basculement de cette limite Goya, cette zone de flou d’effacement ce diffus pénombreux ce seuil de l’opaque Goya, à la frontière de l’incernable de l’inexprimable d’un inconnu néfaste là où il n’y a pas de mot Goya, pas de silence non plus aucune musique ne pénètre Goya, aucune musique ne sert de main tendue là où ça bourdonne du sourd de la raison Goya, le monde est sourd Goya, le monde est un cauchemar du sourd on patauge dans le cauchemar Goya, le cauchemar on n’en sort pas Goya, on y est jusqu’au genou Goya, jusqu’au-dedans du crâne Goya, cette foule déferlante du fin fond de la peur et du pire ce n’est pas vers la lumière qu’elle va ce n’est pas la lumière qu’elle cherche ni la prière quelle prière Goya, sans mot et sans silence foule bourdonnante zombies des illusions estropiés de l’esprit bouches de superstitions crasses qui alimentent le cauchemar Goya, sortis de la nuit ils y retournent pour être dévorés par le néant de la pensée les hommes les femmes ça n’existent plus Goya, ce n’est plus que des ombres le retour à la boue de l’âme du magma d’obscur bientôt mais leur passage avertit Goya, avertit la poignée de vivants d’obstinés à vivre debout à ne pas céder Goya, ta main qui voit nous avertit ta main qui pense nous avertit Goya, dans l’obscur tu descends dans l’obscur tu glisses dans l’obscur l’esprit s’écorche dans l’obscur ça bourdonne Goya, mais dans l’obscur tu ne t’écroules pas Goya, presque mais non Goya, tu nous dis de ne pas nous écrouler de ne pas céder quand tu as vu le trou Goya, le trou qui aspire tu peux te laisser tomber te laisser aspirer par toutes les illusions t’y noyer ou regarder ailleurs Goya, regarder ailleurs parce que tu as vu Goya, tu as vu dans le trou et seulement quand on a vu dans le trou on peut regarder ailleurs Goya, les yeux gardant cette lucidité d’eau noire cette douleur alors tu peux regarder et t’accrocher à la tête d’un chien au visage d’une femme aux yeux d’un enfant Goya, même si le monde s’acharnera à les salir des yeux neufs d’enfant où s’accrocher Goya, aux dents de lait de leur rire Goya,
insomnie avec Goya
Stéphane Chaumet (1971, Dunkerque, Francia) ha vivido en países de Europa, América latina, Medio Oriente, Asia y en Estados Unidos. Ha publicado las novelas: Aun para no vencer (Le Seuil 2011; Vaso roto 2013), Las Marionetas (Le Seuil 2015), los relatos El paraíso de los velos – crónicas de Siria (Le Seuil 2013; Pre-Textos 2015), La isla sin salida (Leg 2019); varios los libros de poesía, entre los cuales La travesía de la errancia (La Cabra 2010), Los cementerios engullidos (Al Manar 2013; Ladrones del tiempo 2017), Fisuras (Al Manar 2015), El azar y la pérdida (Al Manar 2019; Escarabajo 2017), Reposo en fuego (antología 1996-2016, Los Torreones, 2017), Insomnia (Dernier télégramme 2018) y Celdas (Dernier télégramme 2020); así como el libro de fotografías El Huésped, Siria antes de la guerra (Uniediciones 2017). Tradujo al francés a varios poetas latinoamericanos y españoles contemporáneos, a la poeta alemana Hilde Domin y a la persa Forough Farrokhzad. Versión en francés y español del autor.